La plupart des accords de branche ou d'entreprise sur la santé au travail, et en particulier ceux sur les risques psychosociaux (RPS), prévoient des formations pour le personnel d'encadrement. Deux raisons essentielles motivent ces formations : la première part de l'idée que les cadres ont une responsabilité dans le bien-être des salariés et qu'ils doivent être formés aux questions de santé au travail comme aux méthodes de management ; la deuxième réside dans l'intention de leur faire jouer un rôle de détection de salariés qui pourraient être en difficulté à un moment ou à un autre.
La formation des cadres est assurément une nécessité. Très souvent sélectionnés sur la base de compétences techniques ou commerciales, avec un manque de préparation à leur fonction managériale, ils manquent de connaissances dans le domaine des facteurs humains et organisationnels, de la santé au travail ou des relations sociales, alors qu'ils sont des acteurs importants dans ces domaines. Mais la tentation peut être grande de réduire les RPS à un unique "problème de management" ou "problème de comportement" de certains cadres. Même si ces problèmes existent bel et bien, l'entreprise ne se décharge-t-elle pas un peu trop vite de sa responsabilité ? N'est-il pas nécessaire d'interroger plus globalement les conditions mêmes du travail des cadres ?
Les attentes auxquelles ces formations sont censées répondre viennent de fait charger un peu plus la barque de cadres déjà passablement débordés, ayant du mal à répondre à des prescriptions parfois contradictoires entre les enjeux de production, de qualité, de sécurité, de délais, etc. Au risque de leur faire "perdre la tête", à eux aussi.
Partage de savoir-faire
Pour que la formation des encadrants soit pertinente et efficace, pour qu'elle n'aggrave pas leurs conditions de travail, trois critères doivent être réunis. Tout d'abord, la formation doit avant tout être l'occasion pour les cadres de réfléchir entre eux sur leur propre travail, aux situations qu'ils jugent difficiles ou avec lesquelles ils ne sont pas à l'aise, aux multiples contraintes qu'il est parfois difficile de faire tenir ensemble. Ils doivent pouvoir mettre en discussion leurs différentes manières de faire face à ces contraintes, partager collectivement aussi bien leurs doutes que leurs savoir-faire professionnels.
Ensuite, l'entreprise doit s'interroger sur le rôle qu'elle souhaite réellement confier aux managers. La tenue de tableaux de bord, la remontée d'indicateurs, les réunions à répétition accaparent de plus en plus les encadrants, au détriment de leur présence sur le terrain. Et l'utilisation largement décontextualisée d'outils de gestion leur laisse peu de marges de manoeuvre effectives et amoindrit leur pouvoir de décision. Beaucoup de cadres en souffrent, car leur efficacité et le sens de leur travail se trouvent ainsi mis à mal.
Enfin, le choix de l'organisme de formation doit se faire à partir d'un cahier des charges précis, élaboré si possible de manière concertée. L'entreprise doit manifester des exigences à la fois pédagogiques et de contenu vis-à-vis de l'organisme de formation. Les cadres sont souvent atterrés par l'écart entre les formations proposées et la réalité des problèmes qu'ils ont concrètement à traiter en fonction des ressources qu'ils ont à leur disposition. La formation doit être pour une grande part "inductive", c'est-à-dire partir des situations précises de travail pour mettre en discussion les différentes manières de s'y prendre.