Le marché de l'emploi a changé, entraînant des parcours professionnels plus heurtés, avec des périodes de chômage, des changements de métier, des réorientations pour composer avec la pénibilité au travail ou l'inaptitude à un poste. Ces transformations majeures n'ont pourtant pas eu raison des inégalités d'accès à la formation. Plus les salariés avancent en âge, moins ils y ont recours. Des disparités existent aussi entre catégories socioprofessionnelles : l'opportunité de se former dans l'année est bien plus élevée pour un cadre de plus de 50 ans que pour un ouvrier en début de carrière.
Voilà donc un paradoxe qui perdure avec, d'un côté, l'injonction de se former tout au long de la vie pour anticiper ou accompagner les mutations du travail et, de l'autre, un système discriminatoire pour les seniors et les moins qualifiés. Et ce, malgré les réformes successives qui ont actionné plusieurs leviers - simplification des démarches, information des actifs sur leurs droits, incitation des employeurs à former leurs salariés âgés - et renforcé la responsabilisation des personnes concernant leurs projets professionnels et leur parcours.
De toute évidence, le compte n'y est pas. Il faudrait maintenant penser différemment le contenu et les conditions de la formation - notamment parce que les plus âgés n'apprennent pas comme les jeunes - selon que celle-ci est imposée ou volontaire, programmée ou inopinée. Plusieurs éléments seraient à considérer dès la conception des dispositifs. Il apparaît nécessaire d'intégrer les expériences de travail, en impliquant les salariés dans le projet de formation et en construisant des liens avec l'activité réelle de travail, avec des méthodes pédagogiques participatives.
De même, préparer le retour en poste, avec des temps d'appropriation et de l'accompagnement, serait bénéfique. Car les formations mal conçues peuvent conduire à un échec dans les apprentissages, générant un sentiment d'incompétence au travail. Ce qui, d'une part, provoque parfois un abandon de poste ou une rupture d'emploi et, d'autre part, contribue à une fragilisation de la santé, notamment mentale, avec des risques de dépression.
Une étude récente, menée dans un centre d'appels (voir "A lire"), montre toute la complexité du processus. Malgré une politique volontariste d'embauche et de formation de personnes de plus de 50 ans, l'entreprise peine à former les plus âgés. Ces derniers vivent difficilement les campagnes successives de formation, qui épousent le rythme soutenu des modifications dans les produits et les services à placer auprès des clients. Ils se montrent davantage proactifs si le programme à suivre ne vise qu'un ajustement de leurs compétences.
Contraints à l'évitement
Dans le cas contraire, certains se soustraient à la formation - qui est pourtant obligatoire -, soit en négociant avec la hiérarchie la possibilité de se spécialiser sur un type d'activité plus stable, soit en s'absentant de l'entreprise pour échapper aux sessions programmées. Si ces stratégies leur permettent de tenir dans l'immédiat au travail, elles engendrent, à terme, des problèmes de santé - anxiété, troubles de l'humeur, dépression - et d'emploi - rupture de contrat, départ anticipé.
Avec l'allongement des carrières et l'évolution des modèles d'organisation du travail, l'enjeu est bien de construire les formations afin qu'elles contribuent de manière pérenne au développement des compétences des salariés, quel que soit leur âge. Pour tenir conjointement les enjeux de santé et de performance au travail.