Une moitié seulement des salariés considèrent que leur nombre d'heures de sommeil est "suffisant, toujours ou presque" ; à l'opposé, un salarié sur dix le juge "insuffisant, presque tous les jours". Une moitié aussi, pas forcément les mêmes, déclarent n'être "jamais ou rarement" confrontés à des difficultés pour s'endormir, ou à des réveils la nuit, ou à un éveil précoce sans réussir à se rendormir... Mais un salarié sur dix affirme subir l'une au moins de ces perturbations du sommeil "presque tous les jours". Ces résultats, qui proviennent de l'édition 2010 de l'enquête nationale Santé et itinéraire professionnel (SIP), montrent bien, s'il en était besoin, que de nombreux salariés sont confrontés à un sommeil trop court ou de mauvaise qualité.
Un peu tout le monde
De qui s'agit-il ? En matière de durée de sommeil trop courte, un peu tout le monde ; les différences entre les deux sexes, entre les âges, entre les groupes sociaux sont de deux à trois points de pourcentage selon l'item de réponse que l'on retient. En matière de prévalence des troubles, les écarts sont plus nets : la proportion des enquêtés déclarant des troubles "plusieurs fois par semaine", voire "presque tous les jours", vaut 23 % dans l'ensemble, mais 33 % pour les 55-59 ans (+ 4 % par rapport aux 50-54 ans et + 10 %, donc, par rapport à la moyenne d'ensemble), 27 % pour les femmes (+ 6 % par rapport aux hommes), 28 % chez les employé-e-s (contre 18 % à 22 % dans les autres catégories sociales).
L'enquête confirme le lien bien connu entre les horaires alternants et les problèmes de sommeil : en cumulant toujours les réponses "plusieurs fois par semaine" et "presque tous les jours", on constate que 34 % des salariés postés ont une durée de sommeil souvent insuffisante et 29 % ont souvent des troubles du sommeil (soit dans les deux cas + 7 % par rapport à ceux qui ont des horaires diurnes et stables).
Cependant, le lien est encore plus net avec bien d'autres contraintes ou motifs d'insatisfaction dans le travail. A vrai dire, à peu près toutes les caractéristiques, physiques ou mentales, de la vie de travail sont en cause, si l'on en juge par les écarts dans les proportions de troubles du sommeil déclarés.
Celles-ci dépassent des niveaux supérieurs d'au moins 10 points à la moyenne dès lors que le travail implique, par exemple, d'être "toujours" ou "souvent" en travail répétitif sous contrainte de temps ; d'avoir "toujours" un travail physiquement exigeant ; d'être "toujours" exposé à des efforts ou vibrations sur outils ou machines ; mais aussi d'avoir "rarement" ou "jamais" les moyens de faire un travail de qualité, de travailler "toujours" sous pression, de devoir "toujours" cacher ses émotions au travail, ou encore de ne "jamais" faire des choses qui plaisent ou ne "jamais" apprendre de choses nouvelles. Chacun de ces items est ici pris séparément. Bien entendu, leur cumul aggrave la situation.
En tête de cet inquiétant palmarès, trois réponses s'accompagnent d'un pourcentage de troubles particulièrement élevé : le fait d'avoir "toujours" du mal à concilier son travail avec ses obligations familiales (48 % de troubles fréquents du sommeil), d'avoir "toujours" la peur de perdre son emploi (48 % aussi) et, surtout, de devoir faire "toujours" des choses que l'on désapprouve (56 % !).
Difficile d'imaginer qu'il s'agisse là de coïncidences statistiques. Les contraintes professionnelles, le mal-être au travail, cela n'empêche pas de dormir ? Si, souvent.