En 2009, le médecin du travail a avancé l'idée d'installer une salle de repos comme un des remèdes aux problèmes de fatigue rencontrés par nos salariés qui travaillent en équipes. J'avoue que ma première réaction a été : une entreprise, c'est fait pour travailler, pas pour dormir." Pour Didier François-Pierre, directeur d'établissement de l'usine Avery-Dennison de Bourg-de-Thizy (Rhône), offrir la possibilité à ses employés de recourir à une micro-sieste n'allait pas de soi. Il a néanmoins pris au sérieux la recommandation du médecin du travail. "Nous avons enquêté sur Internet et trouvé que ce système de micro-sieste se pratiquait dans les pays d'Europe du Nord", raconte-t-il. Discutée en comité d'entreprise et en CHSCT, comme le confirme Catherine Vaginay, secrétaire de ce dernier, l'idée a finalement été retenue.
Cette usine, autrefois textile, est entrée en 1986 dans le giron d'un groupe américain, Avery-Dennison, et emploie 57 personnes. Spécialisée dans la production de films et papiers autoadhésifs, elle fabrique de petites séries qui, une fois passées par des imprimeries, seront utilisées dans l'industrie automobile, le secteur électroménager, l'industrie pharmaceutique, mais aussi, parfois, pour des vins de grands crus ou spiritueux. Une production assurée en continu par des salariés répartis en équipes de jour et de nuit.
Alléger la pénibilité
Avant d'adopter la micro-sieste, différents horaires en travail posté ont aussi été expérimentés, en consultant les salariés et leurs représentants, afin d'en alléger les effets sur le sommeil et la santé. En 2011, le rythme suivant a été arrêté : les équipes de nuit et celles du week-end sont fixes et formées sur la base du volontariat ; les autres opérateurs font une semaine en équipe du matin, puis la suivante en équipe de l'après-midi. L'équipe du matin commence à 5 heures les deux premiers jours, puis à 6 heures les autres jours. Cela afin de réduire - autre recommandation de la médecine du travail - les débuts de journée à 5 heures, particulièrement pénalisants pour les rythmes biologiques. "La semaine du matin, à 20 ans, je ne la craignais pas. Maintenant, c'est la hantise", confie Christophe, un salarié de 41 ans. "Le travail de l'équipe du matin débutant vers 5 heures est aussi pénible que le travail de nuit. Avec le temps, on arrive toujours à des dérèglements sur le plan de la santé", constate de son côté le médecin du travail désormais en charge du site, le Dr Aldo Marcuccilli, du service interentreprises de Loire-Nord.
L'alternance matin/après-midi a été plébiscitée parce que "de tous les types d'horaires postés, c'est celui qui passe le mieux", affirment les salariés rencontrés. Pour tenir quand il est du matin, Christophe consomme du café et utilise la salle de repos, en faisant au besoin une micro-sieste. Quitte, parfois, à sauter la pause casse-croûte. Car la salle n'est accessible que pendant la demi-heure de pause déjeuner. Dans cette pièce, contiguë à celle des repas, une petite minuterie est à disposition de ceux qui auraient peur d'oublier l'heure. "On a le temps de grignoter un peu et de se relaxer. Le fait de s'allonger permet de se relâcher complètement", témoigne un utilisateur. Equipée de trois fauteuils médicaux avec pieds surélevés, la salle de repos fait recette. "La micro-sieste peut être tout à fait réparatrice, assure le Dr Marcuccilli. A condition qu'elle ne dépasse pas un quart d'heure ou 20 minutes, pour ne pas tomber dans un sommeil profond."